Le Droit Ouvrier

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Enjeux et perspectives offerts par l’application des normes constitutionnelles et internationales, au regard de la loi « Travail »
Contrer et construire

par Moizard dans Doctrine et études

Depuis que le législateur s’est lancé dans un mouvement de déconstruction de la protection législative des salariés, on se tourne davantage vers les droits sociaux dits fondamentaux pour contester la validité ou contrer l’application de ces normes (1). La violation de la convention 158 de l’OIT par la réglementation du CNE, constatée par la Chambre sociale de la Cour de cassation, en est l’illustration la plus célèbre (2). Un autre exemple sur la même Convention peut être relevé concernant la durée des périodes d’essai (3). Des juridictions d’appel ont également tenté récemment de mobiliser la Convention 158 pour obliger l’employeur à indiquer les griefs dans la lettre de convocation à l’entretien de licenciement (4). Depuis 5 ans s’est ajouté un autre mécanisme, celui de la QPC, présenté par certains comme un « nouvel espace de l’expression de la volonté générale » (5).
Que peuvent apporter tous les dispositifs d’invocation des droits sociaux fondamentaux pour s’emparer de la loi « Travail » ? Pour certaines organisations syndicales, et plus généralement pour les défenseurs des salariés, il s’agit d’engager un nouveau combat, après celui des mouvements collectifs, qui s’illustre par des recours judiciaires au niveau national et européen. Ce combat peut se dérouler à plusieurs moments, immédiatement à l’entrée en vigueur du texte, initiant un contentieux objectif visant à invalider la norme, et au fur et à mesure de sa mise en oeuvre. Les recours ne se limiteront pas aux instances juridictionnelles. Des comités européens (CEDS) et internationaux (OIT, OCDE) seront saisis avec l’espoir de peser politiquement et/ou d’apporter aux juges des appuis aux motivations de leurs jugements. Il faut alors être attentif à la façon dont le juge national reçoit cet élément de droit. Il peut le citer dans les motifs de la décision ou se limiter à reprendre le sens de la solution sans s’y référer explicitement. L’exemple le plus éclairant est celui de la Charte sociale européenne. La Cour de cassation la cite parfois, parmi plusieurs sources, sans en déterminer précisément la valeur. Cette technique donne l’impression que la Chambre sociale se demande comment la Charte peut lui être utile pour conforter le sens de sa décision. Elle l’utilise pour décrire son droit interne ou pour le compléter dans le sens d’une amélioration qualitative.
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